Charger son poêle à bois, arrivées d’air au minimum, ou passer la nuit à conduire un vieux diesel sur le Boulevard Périphérique ?!
Guillaume AUGAIS
ECOLOWTECHC'est l'hiver.
Le froid est déjà tombé dehors et la nuit approche.
Bientôt l'heure d'aller se coucher...
Mais voilà, le poêle à bûches classique est le seul moyen de chauffer la maison : le chauffage électrique c'est bien trop cher et le bois c'est plus écologique. Pas vrai ?
L'habitat doit rester chaud jusque demain matin alors il n'y a qu'une seule stratégie possible : charger le poêle autant que possible et régler les arrivées d'air au minimum.
Les bûches vont se consumer doucement tout au long de la nuit, et permettre de maintenir péniblement la température de l'habitat. Avec un peu de chance, il y aura même des braises pour faire repartir un feu le lendemain matin...
Eh bien voilà, la mauvaise combustion du bois vient de libérer autant de particules fines qu'un vieux diesel qui aurait roulé toute la nuit autour de Paris sur le Boulevard Periphérique...
L'image est percutante mais bien réelle...
Explications en chiffres, avant les solutions envisageables
Considérons une flambée de 10 kg de bois. 98,6 Nm3 d'air seront nécessaires à la combustion (source).
Selon des essais réalisés dans le cadre d'une thèse (citée ci-dessous), voici les quantités de particules fines émises lors de la combustion de bois avec des arrivées d'air réduites au minimum (appelé essai Thèse 2 dans le tableau ci-dessous).
L'essai numéro 1 est l'essai de référence, avec une utilisation normale selon le protocole d'utilisation du poêle (le cas optimal).
Afin de comparer aux émissions d'un véhicule diesel, considérons l'ensemble des particules fines PM10 (de tailles inférieures à 10μm )
Dans ce cas, la somme des PM10 est de
La flambée libère de fumées, soit de particules fines PM10.
Selon un rapport de l'ADEME cité ci-dessous, on peut déduire une estimation moyenne de l'émission de PM10 en fonction du nombre de km parcourus par un vieux diesel (catégorie Pré Euro 2 de la figure, ce qui correspond aux véhicules diesel mis sur le marché avant 1997).
Le rapport indique, en étant optimiste, de particules PM10 pour près de 5 milliards de km parcourus.
Soit en moyenne de PM10 émises pour ce type de vieux diesel.
On peut donc calculer que la quantité de particules fines émises lors de la combustion des 10 kg de bois à allure réduite correspond à environ 412 km parcours avec un vieux diesel.
Autrement dit, c'est pareil que de rouler une bonne partie de la nuit sur le Boulevard Périphérique.
Au final, rouler pendant 6h sur le Boulevard Périphérique avec un vieux diesel est équivalent, en terme d'émissions aux particules fines, à charger un poêle à bois pour la nuit, arrivées d'air au minimum.
Vous aurez fait 12 fois le tour de Paris...
Alors certes les vieux diesel sont interdits à la circulation dans Paris et ça parait évident.
Mais personne ne devrait être contraint d'utiliser son poêle à bois de cette façon. Ce n'est pas une fatalité.
Quelles solutions ?
Des solutions performantes, peu polluantes et garantissant un bon niveau de confort, existent pour se chauffer au bois.
Pour cela, plusieurs conditions à réunir :
- un appareil de chauffage performant et peu polluant (équivalent au label Flamme Verte 7*)
- du combustible de qualité, avec un taux d'humidité inférieur à 20%
- un utilisateur qui peut respecter, en pratique, son mode d'utilisation
Ce dernier point est essentiel : on ne peut pas demander à un usager de passer sa journée (et sa nuit!) à maintenir un poêle à bois en fonctionnement optimal pour se chauffer. Un poêle classique ou un insert devrait être considéré comme un appoint uniquement.
C'est ce qui fait la différence entre une chauffage au bois écologique sur le papier ou en laboratoire, et un chauffage au bois réellement écologique en conditions réelles.
En fonction de votre contexte, plusieurs type d'appareils sont envisageables afin d'utiliser la ressource bois : chaudières bois, poêles à granulés ou plaquettes, poêles bouilleur, poêles de masse ou poêles à accumulation.
Si vous voulez un système simple, qui fonctionne aussi sans électricité et qui vous permettra d'utiliser des bûches plutôt que de dépendre d'une filière industrielle comme les granulés, alors le poêle de masse est une solution idéale.
Il ne convient pas non plus à tous les habitats.
Poêle de masse
Son principe de fonctionnement ?
Une seule flambée vive et intense est réalisée chaque jour. La chaleur est absorbée par sa masse, constituée en briques par exemple, pour être ensuite restituée doucement à l'habitat tout au long de la journée.
Même conçu sur mesure, les performances d'un poêle de masse peuvent être reconnues par l'Etat et ainsi ouvrir droits aux aides à l'installation MaPrimeRénov'.
En effet, les meilleurs poêles de masse ont des niveaux de performance équivalent au label Flamme Verte 7*.
Pour en savoir plus :
- exemple de réalisation d'un poêle de masse artisanal, éligible aux aides à l'installation
- poêle de masse pour petit habitat
- réseau des artisans poêliers
Sources / Crédits
- Ademe ; Emissions de particules des véhicules routiers ; figure 3 ; Novembre 2012
- Benoît BRANDELET ; Caractérisation physico-chimique des particules issues du chauffage domestique au bois ; pages 120,172 ; 2016
- Photo by Oziel Gómez from Pexels
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Article sous licence CC BY-NC 4.0 ECOLOWTECH